Les cours de la Semois hébergent de nombreux poissons susceptibles de prendre la mouche. Autorisant de plus la pêche en wading (en entrant dans l’eau), cette rivière se prête particulièrement bien à la pratique du fouet. Nous nous intéresserons ici aux techniques les plus adaptées à la configuration de la rivière et aux poissons présents.
Les techniques présentées ci-dessous ont en commun de mettre en œuvre le même matériel qui se compose de :
- Une canne à mouche, d’une longueur comprise entre 8’6 et 10’(pieds, mesure anglaise équivalant à environ 30cm) pour une puissance de 4 à 6 (correspondant au poids de la soie). Une canne de 9’ soie 5 semble constituer un bon compromis en matière de longueur comme de puissance. La canne se devra d’être légère et maniable en toutes circonstances. N’hésitez pas à investir dans un modèle de bon rapport qualité/prix, garant d’un confort de pêche optimal.
L’action de cette canne est laissée à l’appréciation du pêcheur selon ses goûts et ses capacités physiques. Il existe des cannes d’action parabolique, semi-parabolique et de pointe, lesquelles se caractérisent encore par leur rapidité (leur raideur). Je ne saurais trop conseiller au débutant de prendre conseil auprès de son détaillant, plus à même de l’aiguiller dans ce choix difficile. - Un moulinet de type mouche. Il en existe deux types : manuel et semi-automatique. Si le premier est de loin le plus répandu et offre le choix le plus large, le second offre l’avantage de récupérer la soie automatiquement sur simple pression de la gâchette.
Quel que soit la catégorie à laquelle il appartient, il devra contenir une longueur de soie (en général entre 25 et 30m) et, éventuellement, une cinquantaine de mètres de backing 20lbs (fil le plus souvent en dacron qui sert de réserve au cas ou un gros poisson vide toute la soie de la bobine ou que le pêcheur effectue de longs lancers). - Une soie d’un poids adapté à la puissance de la canne. Etant donné la configuration de la Semois (faible profondeur, courant modéré), le pêcheur s’orientera vers un modèle flottant, plus polyvalent.
Il en existe deux grandes catégories: les DT (double taper) pour des posers délicats et précis. Les WF (weight forward): pour les pêcheurs qui privilégient la distance. - Une paire de waders, de préférence le modèle « respirant » pour une question de confort et d’hygiène (avec ou sans bottes).
- Un gilet de pêche court et présentant de nombreuses poches pour le rangement des boîtes et du petit matériel.
- Des lunettes polarisantes de bonne facture ou au besoin des clips adaptables si votre vue vous pose problème
- Une épuisette de type « raquette » équipée d’un élastique ou d’un aimant.
- Une boîte à mouches.
- Des bobines de fil, du 50/100 au 10/100, avec une diminution du diamètre de 5/100 jusqu’au 20/100, puis de 2 en 2/100 pour confectionner les brins les plus fins. Ces diamètres dégressifs sont nécessaires afin de transmettre au mieux l’énergie du lancer à la mouche.
- Des mouches (sèches, nymphes, noyées et streamers)
Chevesne en maraude, juste sous la surface.
Pour peu que la présentation soit bonne, l’ombre prend bien la mouche.
Gobage !
Notes supplémentaires sur le matériel
La composition du bas-de-ligne
Il joue un rôle clé dans le lancer et la présentation de la mouche. C’est lui qui intervient en grande partie dans la qualité du poser et détermine l’efficacité de la pêche.
Sa longueur varie de moins de 2m à 6, 7m voire plus dans certaines conditions très difficiles. Plus il sera long, meilleure sera la présentation, mais plus le lancer sera compliqué.
En Semois, une longueur de 2m70 à 5m sera amplement suffisante et évitera au débutant de s’emmêler. Il est d’ailleurs possible de se procurer des bas de ligne préfabriqués dans le commerce qui conviennent très bien pour faire ses premiers pas. Le pêcheur plus expérimenté pourra lui-même se les confectionner en coupant les brins de nylon à la longueur voulue et en les joignant dans l’ordre par un nœud du chirurgien (par ex.).
Le raccord soie-bas-de-ligne
Il existe différentes manières de relier l’un et l’autre, de la simple boucle dans la soie à la plus savante des épissures. La plus simple consiste à employer un raccord appelé « chaussette », disponible chez tout bon détaillant.
Je ne reviendrai pas sur la pêche en noyée, déjà traitée dans un autre article.
Souvent présentée comme la plus noble des techniques, véritable forme artistique réservée à une élite, la pêche à la mouche sèche a de quoi intimider le pêcheur néophyte. Dans l’imaginaire de bien des pêcheurs, elle consiste à proposer au poisson une imitation la plus proche possible de l’insecte en train d’éclore afin de le leurrer. C’est ce que l’on pourrait appeler un cas d’école. Mais dans bien des cas de figure, une mouche habilement lancée sous les frondaisons ne laissera pas indifférents gros chevesnes et belles truites.
Très synthétiquement, on pourrait répartir les insectes aquatiques dans les catégories suivantes (je m’abstiendrai de fournir une classification plus complexe, n’étant moi-même pas expert en entomologie) :
- Les éphéméroptères (ou éphémères) : leur plus célèbre représentant est sans conteste la mouche de mai (qui éclot entre fin mai et la mi-juillet sur nos rivières wallonnes), dont l’éclosion massive a le don de rendre les poissons fous. On peut également citer dans cette famille la March Brown, Baetis Rhodani et les « BWO » (Blue Winged olive).
- Les trichoptères (plus connus sous l’appellation générique de « sedges ») : ces mouches aux ailes en « toit », dont les larves sont les porte-bois (le fameux « caset »), éclosent tout particulièrement au crépuscule, ce qui en fait une imitation toute indiquée pour le coup du soir.
- Les plécoptères (ou perles) : ces insectes sont plutôt rares de nos jours, sans doute en raison de la détérioration de la qualité du milieu. Ils nécessitent des eaux parfaitement pures et oxygénées qui leur garantissent de bonnes conditions de croissance.
- Les « terrestres » : rentrent dans cette catégorie tous les insectes issus du milieu terrestre qui se retrouvent plongés dans l’eau
- Les mouches dites « fantaisie », ne représentent rien en particulier mais jouent sur la curiosité et l’agressivité du poisson en proposant des stimuli variés.
!!! Les mouches présentes varient d’un cours d’eau à l’autre, aussi est-il préférable de faire appel au détaillant local ou aux pêcheurs du coin, surtout si l’on ne connaît pas bien la rivière.
Hélas, les éclosions massives d’antan n’ont plus lieu qu’épisodiquement, ce qui réduit quelque peu les perspectives du moucheur. Néanmoins en certaines circonstances, les poissons montent encore volontiers en surface pour prendre une sèche correctement présentée. Dans la plupart des cas, trois situations se posent :
- Eclosion et gobages : c’est en pratique la situation la plus favorable au pêcheur, puisque les poissons dévoilent leur position et qu’il « suffit » de choisir la bonne imitation pour les leurrer. Encore faut-il posséder la bonne mouche…
De plus, il arrive que plusieurs types d’insectes éclosent en même temps, ce qui complique les choses. - Eclosion sans gobages : de deux choses l’une : soit l’éclosion vient de se déclarer, et il faudra un peu de temps aux poissons pour adapter leur comportement alimentaire et profiter de l’aubaine qui leur est offerte, soit l’éclosion a lieu depuis un certain temps mais n’intéresse pas la gent piscicole.
- Pas d’éclosion, gobages absents : même si cette situation semble à-priori la plus défavorable, tout n’est pas perdu. Dans ce cas, deux possibilités s’offrent au pêcheur : « pêcher l’eau » (en tout cas les postes les plus intéressants) et peut-être provoquer une réaction du poisson ou se placer en retrait et attendre l’éclosion.
Ce n’est pas parce que la présence d’un poisson ne se traduit pas par des gobages, qu’il ne guette la surface en quête de proies faciles.
Le combat
Dans des conditions normales, l’idéal est de se placer entre 8 et 10m en aval ou en travers du poisson en activité ou du poste présupposé et de lancer sa mouche avec le moins de faux lancers possible. Si l’imitation est correcte et le poisson réceptif, ce dernier ne tarde pas à monter croquer l’imprudente. La touche se traduit alors le plus souvent par un remous plus ou moins prononcé en surface, voire parfois par l’émergence du museau de l’intéressé. Le pêcheur place alors un ferrage en rapport avec la distance de pêche et la résistance du nylon en tirant sur la soie et en levant la canne simultanément. Le combat peut alors commencer. La canne est tantôt maintenue en position verticale pour profiter au maximum de son ressort, tantôt orientée sur le côté de manière à déséquilibrer le démarrage du poisson. Selon la taille supposée de l’adversaire et sa résistance, le pêcheur peut au choix récupérer sa ligne à la main ou au moulinet.
La pêche en sèche s’adresse en majorité à la truite, à l’ombre, au chevesne et à la vandoise, mais il est possible de capturer bien d’autres espèces avec cette technique, à titre occasionnel.
Les insectes évoqués plus haut passent la majeure partie de leur vie sous l’eau, où les poissons les cueillent sans effort.
Or il arrive bien souvent que le poisson trouve suffisamment de nourriture en profondeur et ne se montre pas intéressé par ce qui défile au-dessus de sa tête. Dans ce cas il conviendra d’aller le chercher là où il se trouve en lui proposant une imitation d’insecte subaquatique (gammare) ou d’une « mouche » en formation, appelée nymphe.
Là aussi, les variantes sont nombreuses, aussi on ne retiendra que trois méthodes à l’efficacité éprouvée et qui conviennent particulièrement bien aux eaux de la Semois.
- La nymphe à vue : pour les calmes, et toutes les zones où la visibilité est suffisante pour avoir une bonne vision du poisson et de ses réactions face à l’artificielle. Cette technique est particulièrement redoutable, notamment pour traquer les gros chevesnes sous les arbres au printemps et en été. C’est une pêche de proximité (guère plus de 5m), qui nécessite une discrétion absolue pour ne pas alerter le poisson. Une fois celui-ci à portée, on expédie une nymphe relativement légère et bien visible (bille colorée par ex.) à 1m de lui, sur sa trajectoire supposée (ou juste derrière la queue pour les chevesnes).
Ce lancer, particulièrement précis et discret, sera votre meilleur allié pour les pêches de « sioux » dans un mouchoir de poche. Si la présentation est bonne et que le poisson ne vous a pas repéré, il y a des grandes chances pour qu’il engloutisse votre mouche au premier passage. Le plus souvent, ce dernier fonce sur l’artificielle, ouvre une large gueule et l’avale. Il importe de bien contrôler ses nerfs pour ne pas retirer le leurre par un ferrage trop précoce. Plus facile à dire qu’à faire, mais le jeu en vaut la chandelle !
- La nymphe à l’indicateur : ici, on procède comme en sèche, excepté que la position du poisson n’est pas nécessairement connue à l’avance. Le montage est quasi identique à la sèche, mais on aura pris soin de fixer une petite boulette de pâte à environ 1m de la nymphe de pointe. Une autre méthode consiste à remplacer la pâte par une grosse mouche flottant haute, qui offre l’avantage de prendre du poisson. Le pêcheur se place en aval ou en travers du poste et lance sa ligne, puis suit attentivement des yeux la dérive de son indicateur tout en s’efforçant de maintenir la ligne relativement tendue. Tout arrêt suspect ou plongée brutale de l’indicateur doit être sanctionné par un ferrage.
- La nymphe au fil : cette dernière méthode s’adresse avant tout aux zones de courant. La mouche utilisée ici est habituellement plus lestée. On peut éventuellement fixer une seconde, voire une troisième mouche en potence afin de multiplier les chances de capture. Il s’agit d’une pêche méthodique de tous les postes susceptibles contenir un poisson en activité. La longueur de ligne sortie n’excède guère celle de la canne afin d’assurer un meilleur contrôle lors de la dérive. Une fois la coulée choisie, le pêcheur lance son train de mouches légèrement en amont du poste et contrôle la dérive en pointant sa canne légèrement vers l’aval. La ligne doit former un léger « ventre » et dériver à la vitesse du courant pour être pleinement efficace ; en effet, une ligne trop molle nuirait à une bonne perception des touches tandis que trop tendue, elle occasionnerait beaucoup de ratés en empêchant une bonne aspiration de l’artificielle par le poisson. La touche se traduit souvent par un déplacement ou un arrêt du fil. On peut améliorer la visibilité de l’ensemble et l’efficacité du procédé en introduisant un morceau de fil fluo à environ 1m du bas-de-ligne. Cette technique est redoutable sur les truite et les ombre, et permet à l’occasion la capture d’un hotu ou d’un barbeau… émotions garanties.
La pêche en nymphe à vue permet avant tout de leurrer le chevesne, tandis que la nymphe au fil et à l’indicateur s’adressent principalement à la truite et à l’ombre. D’autres poissons s’y intéressent parfois, mais là encore c’est plus occasionnel.
Ce qui caractérise la pêche à la mouche vis à vis d’autres techniques, ce qui fait une grande partie de sa noblesse, c’est notamment qu’elle permet de relâcher un maximum des poissons en parfait état, grâce à l’utilisation d’hameçons simples et du ferrage à la touche. Nos rivières ont actuellement beaucoup à souffrir de l’invasion massive des cormorans, qui viennent se rajouter à bien d’autres maux causés par l’Homme. Sensible à la pérennité de leur passion, de plus en plus de pêcheurs sportifs restreignent leurs prélèvements en écrasant leurs ardillons et en relâchant la majorité de leurs captures pour garantir leur plaisir de demain. Pêcher ne signifie pas toujours garnir la table ou le congélateur. Il est parfois bien plus agréable de remettre un beau poisson dans son élément et le regarder s’éloigner majestueusement, en pensant aux générations futures.
Le poisson redémarre dans une gerbe d’éclaboussures !
Prise et liberée